Artiste ou Artisan
Il n’y a pas longtemps, interviewé à la Gare de Nantes par un journal local, le journaliste me demande s’il doit décrire mon intervention sur la sculpture des arbres en béton comme celle d’un artiste ou d’un artisan.
( un des ) Assistant de l'artiste
« Je revenais d’un weekend chez Mickey et je ne savais pas dans quoi je m’embarquais. Lundi à 6h25, je m’étais arrangé avec un collègue, une assistante devait nous récupérer à Belleville pour faire la route ensemble jusqu’à l’atelier.
En arrivant, après un court entretien avec le contre-maitre José, j’ai eu le droit à la présentation de l’équipe et à la visite des lieux. C’est là que l’electrochoc frappa. Je pense qu’il m’aura fallu plusieurs années pour me remettre de cette expérience, tant à l’échelle humaine que professionnelle. »
Mon travail consista tout d’abord à encadrer de nombreuses photos dans d’énormes cadres de métal. Je voyais bien que d’autres assistants faisaient des choses qui me semblaient bien plus intéressantes, et dont je me sentais capable. Malheureusement pour moi, c’était sans compter sur l’esprit de compétition qui régnait entre nous pour satisfaire le maître des lieux, et il m’aura fallu environ une année pour montrer de quoi j’étais fait. De taches ingrates, aux sentiments de manques d’estimes, limites d’humiliations, je suis passé par des phases de découragements intenses avant de trouver sassiété et gratitude au quotidien. Ce qui me plait, c’est la fabrication d’objets, dans toutes sortes de matériaux, qu’Anselm va utiliser comme une matière première et transformer dans ses différentes oeuvres. Il les compare lui même à un « vocabulaire » qu’il utilise pour construire du sens. Il y a une infinité d’objets fabriqués en plâtre, béton, métal, plombs, briques, verres, terre.
Faites ce que je vous dis Julien, ne réfléchissez pas !
Anselm Kiefer
A la fin de ces deux années rythmées par la production des oeuvres et les vernissages de galeries, le personnel commençait à s’égrener au fur et à mesure. Jusqu’à mon tour.
Il m’a dit qu’il était content de mon travail. On s’est dit au revoir et à la prochaine en se serrant la main. Il ne m’a jamais rappelé et je ne suis jamais redevenu un de ses assistants.
Aujourd’hui je pense encore à ses leçons, ses phrases, j’imagine ce qu’il dirait. Je l’ai totalement idéalisé. Les années ont passées et j’ai fait ma vie. L’enchantement s’est dissipé, mais l’admiration est toujours là.
Deux années significatives et structurantes dans mon approche artistique. Fasciné et façonné par le maître, comme du métal rougi frappé sur l’enclume.
Il n’y a pas longtemps, interviewé à la Gare de Nantes par un journal local, le journaliste me demande s’il doit décrire mon intervention sur la sculpture des arbres en béton comme celle d’un artiste ou d’un artisan.